Si la crise sanitaire a révélé une forte volonté des Français de réduire leur consommation au profit d’achats plus durables et moins impactants pour l’environnement, la période inflationniste et la crise énergétique actuelles rebattent les cartes. Dans une récente étude Kantar sur l’évolution de la consommation de Textile d’habillement, Linge de maison et Chaussures (TLC), réalisée pour Refashion, l’éco-organisme de la Filière Textile, les résultats montrent que le prix est, de nouveau, le critère de choix numéro un, pour une part importante de la population. Aujourd'hui, 70% du volume acheté correspond à des articles d’entrée de gamme. Cette tendance initiée depuis plus d’une dizaine d’année n’est pas sans conséquence sur les étapes du cycle de vie des produits et la transition de la Filière Textile vers l’économie circulaire. La réussite de cette transformation nécessite, entre autres, une évolution des comportements d’achats dont l’éco-organisme accompagné de l’ensemble de ses parties prenantes ont la responsabilité.
Une offre massivement orientée « entrée de gamme » structure le marché des TLC depuis une dizaine d’années.
Le marché des Textiles d’habillement, Linge de maison et Chaussures (TLC) a vu se succéder une longue série d’acteurs, proposant des prix bas. Ce fléchissement, toujours plus radical, a commencé dans les années 70, au moment où les soldeurs/discounters comme Tati, Noz, Stokomani ou Babou, ont investi l’univers « fashion » aux côtés des enseignes alimentaires.
Pour autant, le marché a été pleinement bouleversé avec l’arrivée des acteurs internationaux, comme H&M (1998), Action (2012), ou Primark (2013) et l’entrée en scène des sites pure players comme Shein, ou Atlas for men, créant ainsi cette vague inédite de produits à petits prix et orientés « entrée de gamme ».
Dans sa dernière étude commandée par Refashion, Kantar évalue pour l’année 2021, que 70% des volumes d’achat du marché TLC se concentrent sur les produits « entrée de gamme », 27% sur du « moyen de gamme » et 3% sur du « haut de gamme », avec une différence de prix très importante entre ces gammes.
Au cours de ces dernières années, la clientèle de ces enseignes dites « low cost » s’est élargie au-delà des acheteurs les plus modestes. Les prix toujours plus attractifs séduisent une majorité des Français, qui reviennent acheter fréquemment. Cette tendance a pour conséquence une perte de repères sur la valeur des produits et des référentiels de prix très (trop) bas, non sans impact économique, social et environnemental.
Parmi les 10 enseignes (Action, Primark, Kiabi, Lidl, Zeeman, Shein, Stokomani…) de plus en plus plébiscitées pour les achats neufs des Français ces dix dernières années, 70% proposent un prix moyen d’achat par article inférieur de 25% à 85% au prix moyen du marché.
Le prix, premier critère de choix des consommateurs en 2022
L’étude Kantar commandée par Refashion sur l’évolution du marché a révélé que le prix moyen d'un article de prêt à Porter (hors lingerie et chaussant) s'élève à 18,9€ et à 31€ pour une paire de chaussures pour un marché de 3 milliards de pièces en 2021. Pour tous les types de vêtements ou de chaussures mis sur le marché, on constate un facteur X6 à X10 entre les niveaux de prix « entrée de gamme » et « haut de gamme » (cf graphiques).
Les vagues de petits prix sur le marché ne sont pas sans conséquence sur les achats des Français. Selon Refashion, sur les 7 dernières années, il en ressort que les achats des Français sont en progression (+ 4 pièces par personne). En 2021, 1 Français a acheté en moyenne 36 pièces d’habillement, 4 paires de chaussures et 5 pièces de linge de maison. A l’échelle nationale, cela représente 300 millions de pièces supplémentaires en 7 ans, malgré les 2 années de crise COVID qui ont largement freiné les volumes.
Néanmoins, pendant cette même période, une part de la population française semble vouloir se désintéresser de la « mode jetable » et de l’attraction « petit prix ». Ainsi en juin 2022, 33 % des Français déclaraient vouloir acheter moins qu’avant en privilégiant des articles qui durent dans le temps. Pour ¼ de ces Français, il ne s’agirait pas d’acheter des produits plus chers et de gammes supérieures mais plutôt de s’orienter vers une autre alternative : la réparation des vêtements et des chaussures pour en prolonger la durée de vie. Si le souhait est louable et justifié au regard du trop-plein des placards, la réalité des achats du marché, concentrés à hauteur de 70 % sur de l’entrée de gamme, pourrait limiter le vivier potentiel pour la réparation.
Le marché du neuf, massivement occupé par l’entrée de gamme, challenge la transformation du secteur face aux enjeux écologiques
Les résultats de l’étude Kantar pour Refashion sur l’état du marché doivent poser plusieurs questions à l’ensemble des acteurs de la Filière Textile dont l’enjeu collectif est de réussir sa transformation pour limiter son impact environnemental. Pour l’éco-organisme, il est important de se fixer des objectifs ambitieux mais réalistes au regard de cette réalité économique et des obligations de la loi AGEC.
our chacune des étapes du cycle de vie des produits (production, consommation, régénération), les enjeux sont multiples pour les parties prenantes.
Production / Engager plus fortement les metteurs en marché dans une démarche de production d’articles durables en termes de qualité alors que la demande apparaît de plus en plus guidée par le « bas prix », et la période inflationniste actuelle risque d’accentuer cette pression.
L’éco-modulation et la sensibilisation des équipes produit à l’éco-conception font partie des outils à mobiliser.
Consommation / Donner les clés pour consommer moins mais mieux et faire un meilleur usage de ses articles (entretien, réparation) afin d’en allonger la durée de vie.
La pédagogie est un levier dont la pertinence reste à court terme fortement challengée par la réalité du marché : comment inciter à réparer un vêtement dont le prix moyen neuf est évalué à 12,50€ (tous vêtements) alors que le coût moyen de sa réparation est lui estimé à 20€ ?
Régénération/Recyclage : Valoriser les moyens donnés aux opérateurs de tri et lever les freins au développement d’une industrie du recyclage.
Les opérateurs de collecte et de tri alertent depuis une dizaine d’années sur la baisse de la valeur commerciale des gisements. Ce constat fragilise un écosystème en pleine mutation et questionne, à l’instar du Fonds Réparation à l’adresse des citoyens, le Fonds Réemploi. En sortie de marché, les volumes massifs d’articles « entrée de gamme » usagés, même réparés, sont-ils revendables sur le marché de la seconde main en France et en Europe ? Et sur quel volume tabler ?
La question se pose aussi pour les volumes non réutilisables orientés vers le recyclage, si possible en zone européenne : quelles applications et exutoires à partir de ce gisement ?
La période qui s’ouvre avec un cahier des charges largement revu par les pouvoirs publics pour cadrer l’action de l’éco-organisme doit permettre d’adresser ces enjeux et accompagner la filière vers une économie circulaire. Les spécificités de ce marché nécessiteront des expérimentations et un fort appui de communication, car au-delà de modèles économiques, difficiles à faire évoluer, il y a les comportements des consommateurs à transformer en profondeur.
Méthodologie :
Ces données sont issues de Worldpanel de Kantar : panel Worldpanel Fashion de 12 500 individus panélistes, univers textile/chaussures/Linge de maison-Total distribution (online et
magasins).
A propos de Kantar :
Kantar est le leader mondial des études et du conseil fondés sur des données objectives. Nous délivrons une compréhension unique et exhaustive de la façon dont les individus pensent, ressentent et agissent, à l'échelle mondiale et locale, à travers plus de 90 marchés. En combinant l'expertise de nos équipes, nos bases de données, nos analyses et technologies innovantes, nous aidons nos clients à comprendre les individus et à stimuler leur croissance : Understand People, Inspire Growth.
En savoir plus : http://www.kantar.com/fr/- @KantarFR
A propos de Refashion :
Refashion est l’éco-organisme de la Filière Textile d’habillement, Linge de maison et Chaussure. Il assure, pour le compte de plus de 5000 entreprises, la prise en charge de la prévention et de la gestion de la fin de vie de leurs produits, mis sur le marché grand public. Au cœur de l’écosystème de la Filière Textile d’habillement, linge de maison et chaussure, Refashion propose des outils, des services, des informations qui facilitent et accélèrent la transformation vers l’économie circulaire.
En savoir plus : www.refashion.fr