Les marchés alimentaires en panne de Crois-sens !

Perspectives 2T2018 posent les enjeux auxquels doivent faire face industriels et distributeurs sur l’alimentaire. Cette conjoncture propose un retour sur les mouvements qui s’opèrent sur ce début d’année 2018 et des pistes de réflexion sur les leviers, attentes des consommateurs pour regagner de la croissance.
17 septembre 2018
champs ble enfants
lydia rabine
Lydia
Rabine

Strategic Insight Manager

  • Recul historique sur les marchés de Grande Consommation
  • La simplification des repas se poursuit
  • Les marques doivent regagner la confiance des acheteurs

Le contexte socio-économique

Malgré un contexte socio-économique qui reste favorable sur ce premier semestre 2018, le moral d’achat sur l’alimentaire fléchit (-2 pts versus l’an passé) et les foyers français semblent bien décidés à poursuivre leur transition alimentaire.

Ainsi nous faisons face désormais à un contexte de Croissance Zéro en valeur. La baisse des volumes se poursuit avec des reculs historiques sur les produits de grande consommation et frais libre-service (-1.6%) et les marchés frais traditionnels (-2.6%) et phénomène nouveau, les dépenses au global alimentaire (PGC+FLS+PFT) plafonnent sur ce 1er semestre 2018.

Il est vrai que la météo a été capricieuse sur ce début d’année (pluviométrie excédentaire de 40%, épisodes de neiges, grêles, un mois de juin chaud…) pouvant expliquer une baisse des achats de produits frais bruts mais elle n’explique pas tout. La simplification des repas se poursuit (moins d’entrées, de fromages et de desserts) répondant à une volonté des français de tendre vers une consommation plus responsable. Et ce n’est pas la baisse de la natalité (-2.1% selon l’INSEE en 2017), pour la 3ème année consécutive, qui encouragera le développement des volumes à l’avenir.

De nouvelles habitudes de consommation

Peu de marchés échappent à la règle et parviennent à afficher des évolutions positives. La viande et les produits laitiers, perçus comme peu diététiques et éthiques envers les animaux, sont impactés par la tendance de fond au Flexitarisme. Ainsi 15% des individus ont désormais bouleversé leurs habitudes en consommant moins de 2 fois par semaine des protéines animales (ils étaient 13% en 2014). Les légumes frais font face à des enjeux d’habitude de consommation à réinventer : 40% de la déconsommation s’explique par une simplification des repas du midi chez les moins de 50 ans, avec la disparition des entrées. L’hygiène-Beauté est un rayon impacté par la recherche de naturalité et la simplification des routines beauté (-4 occasions par personne par semaine en 4 ans) mais parvient désormais à se valoriser…

Les poches de croissance n’ont jamais été aussi difficiles à trouver : la fréquence d’achat n’est plus moteur de croissance (-0,7 acte d’achat sur les PGC+FLS en 1 an, soit 105 actes par an par foyer), la promotion ne permet plus d’apporter des volumes additionnels, un nombre de catégories et strates de la population dynamiques de plus en plus restreint, la consommation hors domicile qui s’était particulièrement développée ces dernières années se maintient à court terme (24% des repas des français sont pris hors domicile) …

La valorisation est donc plus que jamais au cœur de l’actualité (+1.8% au CAM 2T2018, +2.1% au 1er semestre 2018), phénomène d’autant plus marquant que l’inflation est de retour sur les marchés PGC+FLS. Il est vrai que le contexte est marqué par des scandales alimentaires à répétition. A l’ère du digital, les pratiques des entreprises, bonnes ou mauvaises, circulent très vite et participent à créer ce climat anxiogène. Résultat des courses, des français de plus en plus vigilants et méfiants : 66% se disent inquiets de la sécurité alimentaire.

Conséquence principale, un changement dans le choix des aliments, le manger Moins mais Mieux, avec des tendances clefs qui s’affirment depuis quelques années : le bio est devenu incontournable (+17% de croissance volume au CAM2T2018), le végétal continue d’investir les rayons au détriment des protéines animales (les offres végétales de substitution progressent de 30% en volume et en valeur), le « sans » chimie ou ingrédients controversés se décline à l’infini pour arriver à la transparence. La provenance du produit et son histoire deviennent des critères prioritaires, le local, les PME et les circuits courts ont les faveurs des foyers refusant la massification... Autre conséquence, la multiplication des outils pour aider les acheteurs dans cette transition alimentaire : les applications sont de plus en plus nombreuses (déjà 8% de foyers utilisateurs pour Yuka, Inci Beauty, Kwalito et Cie…), l’information nutritionnelle Nutri-score, connue par 20% des foyers, se déploie petit à petit sur les packagings des produits. La technologie Blockchain pourrait, à terme, assurer la traçabilité des produits alimentaires. De quoi rassurer le consommateur ?

N’oublions pas la praticité. Le consommateur est certes en quête de plus de transparence dans la composition de ses repas, boudant aujourd’hui les produits Tout prêts, mais il ne semble pas disposé toutefois à retourner aux fourneaux. Ainsi le créneau de la cuisine d’assemblage semble être un bon compromis et une piste à exploiter davantage.

La confiance reste un enjeu fondamental

Est-ce suffisant ? Il semblerait que non. Effectivement, les leviers marketing traditionnels (prix, promotion, innovation, modèle hypermarché/supermarché) sont aujourd’hui en perte de vitesse. Rétablir la confiance reste un enjeu fondamental dans un contexte de perte de sens des consommateurs, d’autant plus marquée auprès des jeunes générations (Millennials, Génération Z). Seulement 28.4% des ménages français ont confiance dans les marques alimentaires, soit -5 pts en 5 ans. La communication et le marketing sont désormais marqués par les questions sociales et environnementales. Les marques doivent trouver le moyen d'établir une relation allant au-delà d'un simple service ou d'un produit en se recentrant sur ce qui leur donnera du relief et les rendra pérennes : le brand purpose. Une démarche qui définit l’impact positif que la marque aura sur le monde. Une question qui est, à date, surtout abordée dans les stratégies de communication des entreprises mais peu de marques passent réellement à l’action. Notons l’exception du marché du Lait et de l’équitable qui ne dénombrent aujourd’hui pas moins de 8 marques s’engageant sur cette thématique dont la plus disruptive C’est Qui le patron ! (100% digitale, 100% collaborative). Celle-ci a déjà séduit 13,7% des foyers français sur l’ensemble de sa gamme et 9.7% sur sa brique de Lait. Un exemple à suivre ?

Être authentique et transparent, être capable de délivrer ses promesses, permettre aux consommateurs de s’engager dans l’action, évoluer en travaillant son Brand Purpose semblent désormais nécessaire pour regagner la confiance des français et tendre vers une Crois-Sens durable !

Pour toute citation de données source : Kantar