2018 : un vent de révolte sur la grande consommation

Les Français ressentent une baisse de leur pouvoir d’achat et les annonces de hausse des prix à la consommation cristallisent davantage l’opinion.
21 janvier 2019
grande conso
gaelle le floch
Gaëlle
Le Floch

Strategic Insight Director

  • Des Français qui consomment moins et différemment
  • Des consommateurs en quête de sens : la révolution rouge
  • Un mouvement gilets jaunes qui révèle et accentue ce malaise

Les Français ressentent une baisse de leur pouvoir d’achat et les annonces de hausse des prix à la consommation cristallisent davantage l’opinion.

Résultat : un moral d’achat en berne !

2018 : les marchés PGC+FLS décrochent en volume, avec une baisse de 1,2%, soit la même ampleur de baisse que lors de la crise financière de 2008. Preuve de l’ampleur de ce phénomène : seules un tiers des catégories sont en croissance, contre la moitié en 2015.

En termes de profils tous les foyers sont impactés à la baisse, les seuls résistants sont les monofoyers, jeunes ou seniors. En cause : des repas moins structurés, moins copieux ou sautés même parfois, moins d’invités à la maison, mais plus de livraisons de repas tout préparés grâce aux nouvelles applications.

Et en valeur la consommation à domicile plafonne à + 1,0%, l’un des scores les plus bas depuis 10 ans. L’innovation et la promotion n’ont pas été moteurs sur les marchés et n’ont pas su capter l’attention des consommateurs qui s’émousse à leur égard.

Les consommateurs arriveraient-ils à saturation ?

En tout cas, la promotion n’est pas la priorité pour 68 % d’entre eux.

Des consommateurs en quête de sens : la révolution rouge

Pour 56 %, les Français se méfient de la grande distribution. La confiance envers les marques et les institutions est en berne et la quête de sens des consommateurs se traduit dans les comportements d’achats. Dans ce climat peu propice à la croissance, PME et marques de distributeurs (MDD) thématiques tirent leur épingle du jeu. Mais les marques nationales de PGC voient leur niveau de confiance fortement décliner depuis 10 ans.

Quand on évoque la responsabilité d’une marque on pense bien souvent à son engagement envers l’environnement, mais cela va bien au-delà désormais, une autre révolution est en marche : les gens n’achètent plus seulement ce que font les marques, mais également la raison pour laquelle elles le font.

73% des Français se déclarent concernés par le bien-être animal.

Donner du sens à sa consommation peut, par exemple, se traduire par la réduction de sa consommation de protéines animales. Appelée flexitarisme, cette tendance touche aujourd’hui un tiers des Français. Et si 73 % des Français se déclarent concernés par le bien-être animal, il est cependant peu probable que toute la société adopte le régime alimentaire vegan (c’est-à-dire sans chair animale ni produits issus d’animaux), qui reste encore marginal dans notre société.

Une volonté de consommer plus vert : 80% des Français sont inquiets de la sécurité alimentaire.

Une grande majorité de Français souhaite « consommer plus responsable ». 80 % d’entre eux sont inquiets de la sécurité alimentaire, soit une hausse de 14 points en 6 mois ! Ces chiffres traduisent bien la remise en question profonde des consommateurs et le besoin de réassurance dans ce contexte anxiogène. Pour consommer mieux, les consommateurs sont prêts à mettre le prix dans des produits de qualité et plus sains, voire à payer plus, par exemple pour valoriser le travail des agriculteurs. Cette préoccupation prend différentes formes auxquelles les marques et les distributeurs répondent par de nouveaux labels.

Des applications qui orientent les achats : près de 20% des français les utilisent.

Dans ce contexte de défiance, de nouvelles applications fleurissent sur le marché et guident les consommateurs vers des produits plus sains en fonction de leur composition ou de leur apport nutritionnel. Preuve de leur succès, près de 20 % des Français les utilisent. Et cela a une incidence sur notre façon de faire du shopping : les trois quarts des utilisateurs de ces applications déclarent qu’elles ont changé leur façon d’acheter.

Des étiquettes qui rassurent : 5 tendances qui ont particulièrement le vent en poupe

1 – Le Végétal, pour répondre à la préoccupation santé : il envahit les rayons et affiche une croissance en valeur de + 33 %.

2 – Le sourcing : l’origine du produit, sa traçabilité et son histoire deviennent aussi des critères d’achat prioritaires. Ainsi, en 2018, 31 % des foyers considèrent l’origine des produits alimentaires comme un critère de choix important. Ce sont les labels d’origine France qui sont les plus importants aux yeux des acheteurs comme « Viande Bovine Française », « Made in France », « Origine garantie fabriqué en France ».

3 – Le clean : cette tendance répond à la volonté des consommateurs de se débarrasser des ingrédients suspects.

4 - Le « faire soi-même » : pour les consommateurs les plus méfiants vis-à-vis des produits industriels. Environ 80 % des Français ont eu recours à cette méthode. Si l’alimentation était déjà concernée par cette vague, il est devenu tendance de fabriquer ses produits d’entretien ou de beauté, une pratique adoptée par 17 % des foyers.

5 - Le Bio : il est entré dans tous les foyers français et se démocratise grâce aux enseignes généralistes. Le Bio est le seul label associé à une double promesse santé et environnement. Les préoccupations écologiques gagnent du terrain. Jusqu’à présent manger bio c’était avant tout dans un souci d’améliorer son bien-être et celui de ses proches. Mais, de plus en plus, il s’agit aussi d’agir dans une optique écologique, en choisissant des produits plus respectueux de l’environnement, Cette préoccupation écologique se traduit également par le choix de produits locaux ou de circuits courts, comme en témoigne la forte progression de l’enseigne Grand Frais (+ 13 % en valeur, 16 % de foyers clients en 2018).

Des comportements d’achat qui changent

Les consommateurs papillonnent davantage entre un plus grand nombre d’enseignes : 7,8 enseignes fréquentées en 2018 (tous circuits confondus) versus 7,1 il y a 10 ans, mais ils vont de moins en moins en hyper, qui reste le circuit leader mais est boudé par les jeunes car il n’est plus en adéquation avec leurs attentes. Les formats en phase avec les tendances de consommation actuelles tirent leur épingle du jeu. Tout d’abord, les réseaux de proximité, Internet ou encore les drives alimentaires bénéficient de l’avantage de la praticité. Ensuite, les enseignes telles que Lidl, Primark ou les soldeurs comme Action ont l’avantage de donner aux consommateurs le sentiment de faire une bonne affaire. Enfin, le besoin de conseils et de réassurance profite aux spécialistes comme Grand Frais, Intersport ainsi qu’aux enseignes sélectives sur l’Hygiène-Beauté.

Un mouvement gilets jaunes qui a accentué cette tendance de baisse

Des comportements contrastés entre Novembre et Décembre.

En novembre, les dépenses des foyers français sur les produits de grande consommation (PGC-FLS) ont basculé dans le rouge. Tous circuits confondus, ils ont subi une baisse de 0,4%, avec en parallèle un renforcement très net des commandes sur Internet (+0.4pt de pdm à 6.4%) et dans le circuit EDMP (+0.2pt de pdm à 11.5%). Les difficultés d’accès aux magasins physiques ont détourné les shoppers vers le e-commerce, et la cristallisation sur le pouvoir d’achat a sans doute rendu plus attractifs les magasins perçus moins chers.

Les dépenses en DRIVE ont évolué de +8,8% en novembre alors que simultanément les dépenses en Hypers ont baissé de -0,6%. Ces évolutions mettent en évidence les difficultés structurelles auxquelles sont confrontées les plus grandes surfaces dans un contexte social agité (gilets jaunes) et alors que l’environnement concurrentiel se durcit (black Friday et spécialistes).

En décembre, la consommation valeur est repartie à +0,4%, mais très en-deça de l’évolution observée sur l’année à +1,0%. Les circuits online (+0,3 de PDM à 6,3%) et EDMP (+0,6 de PDM à 11,4%) ont continué à tirer leur épingle du jeu sur cette période, au détriment des Hypermarchés toujours en net repli de PDM (-0,8 à 52,0%), fortement impactés par l’effet gilets jaunes.

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